Le Paradis 6/8

          Ils se mirent donc en chasse. On avait lâché un prisonnier Rouge, l’un de ceux que ses accès de folie faisaient particulièrement craindre. On l’avait lâché depuis un peu moins de deux heures. On lui avait dit que s’il s’en sortait, il serait rétrogradé dans un Secteur plus souple, l’Orange – le Jaune, il ne fallait quand même pas trop y compter, mais, s’il se montrait courageux, astucieux, bref convaincant, les maîtres sauraient sans doute se montrer bons avec lui. Alors, depuis deux heures, il courait, il cherchait des refuges, s’acharnait à éviter les pièges des chasses précédentes. Mains liées dans le dos. Il ne faut quand même pas rêver.
          Ils se mirent en chasse , et l’on referma derrière eux la grille. Haute tension.
          Une chasse à l’homme, sans état d’âme. Avec pour seul but de passer deux jours ailleurs que dans le pénitencier. De courir enfin après un de ces hommes qu’ils surveillaient, d’ordinaire, sans avoir le droit de bouger. Se distraire, enfin ! Ramener sa tête, et hurler qu’on a gagné un cigare ! Le Paradis!
          Qu’avait-il fait, celui-là, pour mériter de finir ici ?
          Du haut de leur château, les cinq maîtres, installés dans leur fauteuil de cuir, appréciaient, sur écran géant, la retransmission en direct de la chasse, filmée par des centaines de caméras, disséminées dans la forêt. Spectacle privé qu’il leur arrivait parfois de partager avec un hôte de marque. Cette chasse-là ne serait que pour eux. Et ils ne feraient leurs paris qu’entre eux.

                                                                                                                                                             [à suivre]